mardi 14 novembre 2017

Dieu bande mou

J’étais assis sur un banc public lorsque Dieu est venu s’asseoir à côté de moi. IL a posé son cul divin contre moi et je me suis poussé tout en ressentant un amour indicible.
-       C’est chiant qu’ IL a dit. Dès que j’approche un mortel il ressent ça et il sait automatiquement qui je suis. Impossible de bénéficier de l’effet de surprise, même pour faire une farce à un pote.
J’ai compris que Dieu pouvait lire dans mes pensées ou tout au moins ressentir ce que ce qui se passait en moi. La sensation de divin amour s’est estompée et je décidai de me méfier, j’avais toujours eu un côté paranoïaque.
IL l’a compris et IL a secoué la tête d’un air dégouté avant de sortir un paquet de cigarettes au menthol.
-       T’en veux une ? qu’IL a fait en me regardant.
J’ai accepté en hochant la tête, chose doublement surprenante puisque j’avais arrêté de téter la mort en pastille et quand je fumais, je détestais les clopes à la menthe. Mais j’imagine que c’est dur de refuser un truc à Dieu.
IL me l’a allumée avec un vieux zippo argenté.
Je me demandais ce qu’on foutait là tous les deux, sous la pluie de Novembre.
-       Je suis crevé qu’IL a fait.
J’ai pensé que moi aussi, mais je crois bien que comme d’habitude, Dieu se foutait bien de ce qu’on pouvait ressentir. En tout cas, IL n’a pas relevé. J’ai attendu la suite en L’observant. Ses fringues étaient crasseuses et Sa barbe blanche mal taillée. Son œil était morne et aucune lumière n’émanait plus de mon compagnon de banc depuis la disparition de la sensation fugace qui m'avait révélé son essence. Limite on aurait pu le prendre pour un clochard, au mieux pour un retraité pas bien lavé avec des problèmes récurrents d’incontinence.
-       Putain, y fait un temps à aller aux putes qu’IL a déclaré, Dieu.
-       Ouais j’ai dit.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas tiré un coup. Ma vie sexuelle était un peu comme le Sahara, en moins humide.
-       Tu connais un bordel en ville ?
-        Il y a bien l’Enfer dans les petites rues pas loin d’ici.
-       L’Enfer ?
-       Un bar à hôtesses. Le champagne est cher et mauvais et suivant ses moyens on peut se faire sucer dans la cour de derrière ou passer un peu plus de temps dans une chambre à l’étage.
-       Ça me plait. On y va ?
-       Tu sais que j’ai dit à Dieu en le tutoyant parce qu’IL avait commencé, j’ai pas trop d’oseille pour le moment, tu m’as pas trop favorisé jusque là, question réussite sociale.
-       Oui mais tu as une grosse bite, non ?
-       Non, tu confonds.
-       Ah merde. Et le proverbe aide-toi le ciel t’aidera ?
Un point pour Lui.
-       J’ai eu beau me branler à l’adolescence, j’ai pas reçu une grosse bite.
Un point partout.
-       Bah, après la cigarette, je dois pouvoir t’offrir une petite pipe afin de me pardonner pour t’avoir si peu membré. Pour ma part, je pense me faire la totale, champagne, chambre et deux ou trois poulettes bien roulées. Mais ce serait bien le diable si je ne faisais pas croquer mon nouveau pote.
-       Sympa, merci Vieu...Dieu !
-       C’est le moins que je puisse faire si tu m’indiques le chemin, on y va ?
Bon, même s’il y trouvait un intérêt en terme de lieu et d’itinéraire, il semblait bien que pour une fois Dieu se souciait de sa brebis égarée. J’étais tellement aux anges à l’idée de tirer un coup gratis que je ne me demandais même pas comment Son omniscience ne connaissait pas l’adresse du moindre bordel et autres lieux de péchés sur terre. En tout cas moi, je savais où un sale type comme moi possédait une chance de se faire sucer contre quelques billets, là résidait la différence entre l’humain et le divin.
On a commencé à marcher en silence. Dieu ne semblait intéressé par ni les gens qu’on croisait, ni par l’idée de converser avec moi.
On a fini par se retrouver devant l’entrée de l’Enfer et je me demandais si on allait nous laisser passer, vu que tous les deux, on ne présentait pas vraiment comme Donald Trump quand il se rend à « pompe mon noeud land » dans son gros 4X4 noir aux vitres fumées. Ceci dit, l’Enfer était un bordel glauque, pas le quatre étoiles de la maison close. Le videur à l’entrée nous a regardé et Dieu a sorti une liasse de billet de 20 épaisse comme la fourberie d’un politicien qui, allié à la sensation divine qu’on éprouvait en rencontrant Dieu, a produit l’effet escompté. Le cerbère nous a laissé passer en souriant. Dieu lui a filé un bifton ou deux pour le remercier.
-       Tu vois qu’IL a dit, Dieu, comme s’IL avait deviné mes pensées, c’est pas si compliqué de visiter l’enfer.
-       Je l’avais entendu dire au catéchisme !
Plus tard, Dieu était allongé sur le lit avec trois prostituées roumaines presque majeures tandis que dans un coin je besognais en levrette sur le plancher une petite russe aux yeux verts surement pas plus âgée que les autres. IL fumait un cigare tout en buvant du champagne pendant que deux filles se la donnaient dans une parodie de langoureux show lesbien et que la troisième lui prodiguait une paradisiaque fellation histoire de réveiller ses divines ardeurs. D’où j’étais, je voyais bien qu’IL bandait mou.
J’ai joui péniblement dans la chatte de ma pute à moi, puis j’ai ôté la capote et je me suis appuyé, nu, contre le mur histoire de reprendre mon souffle. J’ai fais signe à la fille qui s’est levée pour nous servir deux coupes de champagne. Ensuite, elle a ramené des cigarettes et un cendrier.  On a fumé sans rien dire tandis que sa collègue semblait échouer à raviver la flamme divine.
Dieu me semblait vide, usé, impuissant.
-       Je suis fatigué qu’IL a fait, fatigué !
J’ai eu envie de lui demander pourquoi.
Pas pourquoi IL se sentait rempli de fatigue, mais pourquoi les guerres, les meurtres, les viols, la solitude, la souffrance, les maladies, la mort, la folie, la rage, la haine, les mécaniciens malhonnêtes et les gynécologues hommes, pourquoi ce trou dans le regard de la pute de dix sept ans que je venais de baiser et  ce qu’elle foutait là, il existait bien la possibilité d’un meilleur destin pour elle, non ? Pourquoi j’étais fou, immonde, vivant, alcoolique ? Pourquoi pour toute la merde de la vie, pourquoi pour toutes les fois où j’avais regardé la réalité et où je m’étais dit que Dieu devrait arrêter de jouer au poker avec le Diable parce qu’IL perdait ?
-       PARCE QUE ! qu’Elle a rugit, Sa voix, dans ma tête.
Bon j’imagine qu’après avoir baisé dans la même pièce, je pouvais partager mes pensées avec Lui tout en n’obtenant aucune réponse précise à toutes ces questions merdiques qui me taraudaient l’esprit tout d’un coup. Sans doute qu’à sa place, si ma création partait en couilles comme le monde actuel le faisait en ce moment, je tenterais aussi de me planquer derrière un mystérieux parce-que qui signifiait « les voies du seigneur sont impénétrables, tu peux pas comprendre » en plus concis. Tout d’un coup, Dieu m’apparaissait tel un ministre véreux pris en défaut par un journaliste lors d’un talk show en direct.
Pendant que je m’interrogeais sur le sens de son Divin parce que, Sa virilité a fini par se redresser et la pute s’est mise à califourchon sur lui. Il penchait la tête sur le côté pour profiter du spectacle des deux autres filles qui venaient de démarrer un plus ou moins torride 69 tandis qu’elle s’activait sur son membre avec de frénétiques va et vient avec l’intention évidente d’en finir le plus vite possible.
Trois minutes plus tard Dieu a joui.
Pas de cris, pas de tsunami ni d’autres catastrophes naturelles pour accompagner sa jouissance. IL a juste gémi doucement.
Puis IL s’est endormi tandis que la pute allait laver sa chatte remplie de Divin Foutre.
(Oui, Dieu baise sans capote. On peut imaginer que Son éternité préserve des maladies vénériennes et pour la déontologie, IL avait payé le double pour ne pas en utiliser pendant l’acte).
IL a roupillé un bon moment, les putes avaient toutes disparues une fois le champagne bu jusqu’à la dernière goutte, mais Ses Ronflements on fini par cesser. J’attendais toujours et j’avais fumé presque toutes les cigarettes lorsqu’IL a ouvert les yeux. Il était tard et nous sommes partis manger au restaurant. Il a pris un poisson avec du riz car nous étions vendredi avec un pichet de rouge et moi, une entrecôte frites saignante parce que je pratique peu la religion.
-       Des belles salopes ces trois putes, c’est rien de le dire. Elle t’a plu ? la tienne, celle que tu as baisée ?
-       Elle simulait, comme elles le font toutes.
-       Normal, à leur place, toi aussi tu saignerais de l’anus et des yeux tout en faisant semblant d’aimer pour que ça aille plus vite, c’est le métier qui veut ça.
Ciel, Dieu était cynique !
J’ai songé à notre visite à l’Enfer. Là-bas comme ici, lorsqu’IL approchait les gens, pendant quelques secondes, une extase béate se peignait sur leurs visages. Puis tout disparaissait et Dieu nous dévoilait soudain une présence triste et solitaire.
Je me demandais si les filles qu’on avait payé pour abuser d’elles se souviendraient de leur première rencontre avec leur Créateur.
-       T’inquiètes, je ne les oublierais pas quand viendra l’heure de me rencontrer à nouveau.
-       Ok que j’ai dit sans remettre en cause Sa Divine Parole.
Bordel de merde, j’avais trouvé Dieu, d’accord, mais où tout cela nous menait-il donc ? Qu’est-ce que je foutais là à bouffer avec Lui ? Et pourquoi semblait-IL si… vieux ? On aurait dit que l’immortalité lui pesait encore plus que le travail à un fonctionnaire. L’avions nous déçu à ce point, nous, le genre humain ? On aurait dit que oui.
-       Toi aussi, IL a ajouté, t’auras droit à une place à ma droite… Au bar !
IL a éclaté de rire sous l’effet de sa propre plaisanterie (promesse ?), puis IL a avalé une bouchée avant de se pencher en arrière sur son siège. Dans cette position, IL a lâché un rot bruyant, comme ça, en plein milieu du restaurant. Autour de nous, les conversations se sont tues. IL s’est rapproché de moi en se penchant au dessus de l’assiette comme s’IL avait voulu toucher mon visage. Ses yeux brillaient sans que je puisse dire s’ils étaient larmoyants ou juste pleins d’alcool.
-       tu sais qu’IL a dit. Ça fait un moment que ça dure, t’as même pas idée. Mais je suis fatigué, fatigué… Tellement de temps que je me sens...
Je ne savais quoi lui dire pour lui remonter le moral, tenter de remettre une étincelle dans le bleu lavasse de Son regard éternellement usé. Peut-être que nous L’avions déçu, peut-être qu’IL nous avait déçu et qu’IL en souffrait, en vérité je n’en savais rien. J’ai failli lui suggérer une cure de sommeil.
-       Fatigué ! qu’IL  a encore ajouté.
Puis IL a pris sa tête entre ses mains et il n’a plus parlé. On aurait dit qu’IL s’était endormi. Je m’attendais à ce qu’IL se remette à ronfler là, comme ça, en plein milieu du restaurant.
Moi, depuis le début, j’attendais quelque chose, une parole, un signe… Et planté en face de lui et d’une entrecôte accompagnée de frites maison, j’attendais encore, mais rien ne se passait, rien ne venait. J’avais envie de pisser mais je n’osais pas bouger.
Putain, il n’y avait aucun sens à toute cette merde.

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